Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/265

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Dominer veut dire violenter, violenter veut dire faire ce que ne veut pas celui sur lequel est commise la violence et certes ce que ne voudrait pas supporter celui qui la commet ; par conséquent, être au pouvoir veut dire faire à autrui ce que nous ne voudrions pas qu’on nous fît, c’est-à-dire faire du mal.

Se soumettre veut dire préférer la patience à la violence, et préférer la patience à la violence veut dire être bon ou moins méchant que ceux qui font aux autres ce qu’ils ne voudraient pas qu’on leur fît.

Par conséquent, selon toutes probabilités, ce ne sont pas les meilleurs, mais les pires qui ont toujours été au pouvoir et qui y sont encore. Il peut y avoir des méchants parmi ceux qui se soumettent au pouvoir, mais il est impossible que les meilleurs dominent les pires.

On a pu le supposer lors de la définition inexacte du bien par les païens, mais, sous la définition exacte et nette du bien et du mal par les chrétiens, on ne peut plus le croire. Si les plus ou moins bons ou les plus ou moins méchants peuvent ne pas se distinguer dans le monde païen, la conception chrétienne a si nettement défini les caractères auxquels on reconnaît les bons et les méchants qu’il est impossible de les confondre. D’après la doctrine du Christ, les bons sont ceux qui se soumettent, qui sont résignés, qui ne résistent pas au mal par la violence, qui pardonnent les offenses, qui aiment leurs ennemis ; les méchants sont ceux qui sont orgueilleux, dominateurs, qui luttent et qui violentent les hommes. C’est pourquoi, d’après la doctrine du Christ, il ne peut y avoir de doute sur la place des bons : est-ce parmi les dominateurs ou parmi les soumis ? Il est même grotesque de parler de chrétien au pouvoir.

Les non chrétiens, c’est-à-dire ceux qui voient le but de la vie dans le bonheur terrestre, doivent toujours