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Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/267

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sous prétexte d’assurer la justice et de défendre les bons. En affirmant que, si leur pouvoir n’existait pas, les méchants violenteraient les bons, les gouvernants témoignent seulement de leur désir de ne pas céder le pouvoir aux autres oppresseurs qui voudraient le leur prendre. Mais leur affirmation ne fait que les dénoncer. Ils disent que leur pouvoir, c’est-à-dire la violence, est nécessaire pour défendre les hommes de je ne sais quels méchants présents ou à venir[1].

— C’est précisément le danger de l’emploi de la violence, que tous les arguments que font valoir en sa faveur les oppresseurs peuvent lui être opposés avec d’autant plus de raison. Ils parlent de la violence passée et le plus souvent de celle qu’ils disent prévoir pour l’avenir, mais ils ne cessent pas eux-mêmes d’employer, en réalité, la violence. « Vous dites que les hommes ont pillé et assommé dans le passé, et vous craignez qu’ils n’en fassent autant aujourd’hui, si votre pouvoir disparaissait. Cela peut arriver comme cela peut ne pas arriver. Mais le fait que vous perdez des milliers d’hommes dans les prisons, au bagne, dans les forteresses ; que vous ruinez des milliers de familles et sacrifiez au militarisme physiquement et moralement des millions d’hommes, ce fait est une violence non pas supposée, mais réelle, contre laquelle, d’après votre propre raisonnement, il faut lutter également par la violence. « C’est pourquoi les méchants contre lesquels, pour suivre

  1. Très comique est l’affirmation des autorités russes qui oppriment les autres nationalités : les Polonais, les Allemands des provinces baltiques, les Juifs. Le gouvernement russe opprime ses sujets depuis des siècles ; il ne se soucie ni des Petits-Russiens de la Pologne, ni des Leths des provinces baltiques, ni des moujiks russes exploités par tout le monde. Voilà que tout à coup il devient le défenseur des opprimés contre les oppresseurs, de ces mêmes opprimés qu’il opprime lui-même.