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Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/280

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La seule force qui dirige tout et à laquelle obéissent les individus et les peuples n’a jamais été que l’opinion publique, cette puissance insaisissable qui est la résultante de toutes les forces morales d’un peuple ou de toute l’humanité.

La violence ne fait qu’affaiblir cette puissance, la diminue, la dénature et lui en substitue une autre, absolument nuisible à la marche en avant de l’humanité.

Pour soumettre au christianisme les sauvages du monde non chrétien — tous les Zoulous, les Mandchoux, les Chinois, que beaucoup considèrent comme des sauvages — et les sauvages qui vivent au milieu de nous, il n’y a qu’un seul moyen : la diffusion au milieu de ces peuples des mœurs chrétiennes qui ne peuvent être propagées que par l’exemple. Or, pour que le christianisme s’impose à ceux qui lui sont restés rebelles, les hommes de notre époque font juste le contraire de ce qu’il faudrait.

Pour soumettre au christianisme les peuples sauvages qui ne nous attaquent pas et que nous n’avons aucun motif d’opprimer, nous devrions avant tout les laisser tranquilles et n’agir sur eux que par l’exemple des vertus chrétiennes : la patience, la douceur, l’abstinence, la pureté, la fraternité, l’amour. Au lieu de cela, nous nous empressons d’établir chez eux de nouveaux marchés pour notre commerce ; nous les dépouillons en nous emparant de leurs terres ; nous les corrompons en leur vendant de l’alcool, du tabac, de l’opium, et nous établissons chez eux nos mœurs, en leur apprenant la violence et de nouveaux moyens de destruction. En un mot, nous leur enseignons la seule loi de la lutte animale, au-dessous de laquelle l’homme ne peut descendre, et nous avons soin de leur cacher tout ce qu’il peut y avoir de chrétien en nous. Puis, nous leur envoyons