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Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/297

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roi fait de même. Le moment de la procession où il doit paraître dans son nouvel habit arrive. Il se déshabille et revêt l’habit imaginaire, c’est-à-dire reste tout nu et se promène ainsi dans la rue. Mais, en se souvenant de la propriété de l’étoffe, personne ne se décide à dire qu’il n’y a pas d’habit jusqu’au moment où un petit enfant s’écrie : « Regardez, il est tout nu ! »

La même chose doit arriver pour tous ceux qui occupent par inertie des situations devenues depuis longtemps inutiles, au premier qui s’exclamera naïvement : « Mais il y a longtemps que ces hommes ne sont bons à rien ! »

La situation de l’humanité chrétienne, avec ses forteresses, ses canons, sa dynamite, ses fusils, ses torpilles, ses prisons, ses gibets, ses églises, ses fabriques, ses douanes, ses palais, est réellement terrible ; mais ni les forteresses, ni les canons, ni les fusils ne tirent d’eux-mêmes, les prisons n’enferment personne d’elles-mêmes, les gibets ne pendent pas, les églises ne trompent personne toutes seules, les douanes n’arrêtent pas, les palais et les fabriques ne se construisent pas d’eux-mêmes. Tout cela est fait par des hommes. Et, lorsque les hommes comprendront qu’il ne faut pas le faire, tout cela n’existera plus.

Et ils commencent déjà à le comprendre. Si ce n’est tout le monde, du moins les hommes de l’avant-garde, ceux qui seront suivis de tous les autres. Et cesser de comprendre ce qu’on a compris une fois est impossible, et ce qu’ont compris les hommes de l’avant-garde, les autres peuvent et doivent le comprendre.

De sorte que le temps prédit où tous les hommes seront instruits par Dieu, désapprendront la guerre, transformeront les glaives en socs de charrue et les lances en faucilles, où, en traduisant en notre langue, les prisons,