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Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/337

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de l’accomplissement de tous les crimes sans lesquels elle ne pourrait pas exister. Les gouvernants cherchent toujours à englober le plus grand nombre de citoyens dans l’accomplissement de tous les actes criminels qu’ils ont intérêt à commettre.

En ces derniers temps, cela s’est manifesté d’une façon particulièrement évidente par l’appel des citoyens dans les tribunaux en qualité de jurés, dans l’armée en qualité de soldats, et dans l’administration communale ou législative en qualité d’électeurs ou d’élus.

Par l’organisation gouvernementale, comme dans un panier tressé d’osier où tous les bouts sont si bien cachés qu’il est difficile de les trouver, les responsabilités sont si bien dissimulées que les hommes, sans apercevoir celle qu’ils encourent, accomplissent les actes les plus horribles.

Dans l’ancien temps on accusait les tyrans des crimes commis, tandis qu’aujourd’hui des forfaits impossibles sous les Nérons se commettent sans qu’on puisse en accuser personne.

Les uns ont demandé, les autres ont proposé, les troisièmes ont rapporté, les quatrièmes ont décidé, les cinquièmes ont confirmé, les sixièmes ont ordonné et les septièmes ont exécuté. On pend, on fustige des femmes jusqu’à la mort, des vieillards, des innocents comme récemment chez nous, en Russie, à la fabrique de Iousov ; ou, comme cela se fait partout en Europe et en Amérique, dans la lutte contre les anarchistes et autres révolutionnaires, on fusille, on tue des centaines, des milliers d’hommes ; ou, comme cela se fait à la guerre, on massacre des millions d’hommes ; ou, comme cela se fait toujours, on perd des hommes par l’emprisonnement cellulaire, par la débauche des casernes, et personne n’est responsable.