Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/34

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enseignent encore aujourd’hui les non-résistants, ménonites, quakers, et, dans l’ancien temps, les bogomiles, les pauluciens et bien d’autres. Il enseigne que le christianisme, qui exige de ses adeptes la résignation, la soumission, la douceur, le pardon des offenses, la présentation de la joue droite à qui a frappé la gauche, l’amour des ennemis, ne peut s’accorder avec la violence, condition essentielle du pouvoir.

Le chrétien, suivant Kheltchitsky, non seulement ne peut être chef ou soldat, mais ne peut même prendre une part quelconque à l’administration ; il ne peut être commerçant ni propriétaire d’un domaine : il ne peut être qu’artisan ou cultivateur.

Ce livre est un des rares ouvrages qui aient échappé aux autodafés, parmi ceux qui ont fustigé le christianisme officiel. C’est ce qui le rend si particulièrement intéressant.

Mais, outre son intérêt, ce livre, sous quelque rapport qu’on l’envisage, est une des plus remarquables productions de la pensée, autant par la profondeur de ses aperçus que par son ancienneté, ainsi que par l’énergie extraordinaire et la beauté de la langue populaire dans laquelle il est écrit. Et cependant ce livre demeure inédit déjà plus de quatre siècles, et continue à être ignoré, sauf des spécialistes.

Il semblerait que ces sortes d’ouvrages — ceux des quakers, de Harrison, de Ballou, de Kheltchitsky, — qui affirment et démontrent, en se basant sur l’Évangile, que ce monde comprend mal la doctrine du Christ, devraient provoquer l’intérêt, l’agitation, le bruit, les discussions, autant parmi les pasteurs que parmi les ouailles. Touchant à l’essence même de la doctrine chrétienne, ils devraient être examinés et reconnus justes, ou bien réfutés et rejetés. Il n’en est rien.