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Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/355

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rait en effet s’il n’existait pas une métaphysique hypocrite affirmant qu’au point de vue de la religion la possession ou la non-possession de la terre est indifférente pour le salut, et, au point de vue scientifique, que l’abandon de la terre serait un sacrifice individuel inutile, vu que l’amélioration du bien-être des hommes s’accomplit non pas par cette voie, mais par les modifications progressives des formes extérieures de la vie. Et, alors, cet homme, sans le moindre trouble ni le moindre doute, en organisant une exposition agricole, en fondant une société de tempérance, ou en envoyant par sa femme et ses enfants des tricots ou du bouillon à trois vieilles femmes, prêche hardiment dans la famille, dans les salons, dans les comités et dans la presse, l’amour évangélique ou humanitaire de son prochain en général, et, en particulier, des travailleurs agricoles qu’il ne cesse d’exploiter et d’opprimer. Et les hommes qui occupent la même situation que lui le croient, le louent et examinent sérieusement avec lui d’autres moyens d’amélioration du sort de ce peuple travailleur sur l’exploitation duquel leur vie est basée, inventant à cet effet toutes sortes de procédés, sauf celui, le seul, sans lequel toute amélioration de la situation du peuple est impossible, à savoir : cesser de lui prendre la terre nécessaire à son existence.

(Comme exemple frappant de cette hypocrisie, on peut citer les soucis des propriétaires fonciers russes pendant la dernière année de la famine, leur lutte contre cette famine qu’ils ont eux-mêmes provoquée et dont ils ont profité en vendant aux paysans non seulement le pain au prix le plus élevé, mais encore les feuilles de pommes de terre à raison de cinq roubles par déciatine (environ un hectare) comme combustible).

Un négociant dont tout le commerce — comme tout