Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/36

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lité des mesures gouvernementales incombe tout entière à ceux qui gouvernent, c’est-à-dire que les gouvernants et les rois décident de ce qui est bon ou mauvais pour leurs sujets, et que le devoir de ceux-ci est seulement d’obéir. Je crois que cette manière de penser ne fait qu’obscurcir la conscience. « Je peux ne pas participer aux conseils du gouvernement, et, par conséquent, je ne suis pas responsable de ses crimes. » Il est vrai que nous ne sommes pas responsables des méfaits des dirigeants, mais nous sommes responsables de nos propres méfaits, et ceux commis par nos gouvernants deviennent les nôtres si, sachant que ce sont des méfaits, nous participons à leur accomplissement… Ceux qui croient que leur devoir est d’obéir au gouvernement, et que la responsabilité des crimes qu’ils commettent retombe tout entière sur le souverain se trompent eux-mêmes.

« On dit : « Nous soumettons nos actes à la volonté d’autres hommes, et ces actes ne peuvent être ni mauvais ni bons. Dans nos actes il ne peut y avoir ni le mérite d’une bonne action, ni la responsabilité d’une mauvaise, puisqu’ils s’accomplissent en dehors de notre volonté. »

« Il est à remarquer que ces mêmes idées sont développées dans les instructions aux soldats et qu’on les leur fait apprendre par cœur. Il y est dit que le chef seul répond des conséquences de ses ordres.

« Mais c’est inexact. L’homme ne peut pas décliner la responsabilité de ses actes. Voici pourquoi :

« Si le chef ordonne de tuer l’enfant de votre voisin, de tuer votre père, votre mère, obéirez-vous ? Et, si vous n’obéissez pas, tous les raisonnements tombent, parce que, si vous pouvez ne pas obéir dans un cas, où trouverez-vous la limite jusqu’à laquelle vous devez obéir ?