Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/374

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et de la reconnaissance d’une partie de cette vérité, cette liberté est peu apparente, car les hommes, qu’ils reconnaissent ou non la vérité révélée, sont obligés d’y conformer leur vie.

Le cheval attelé avec d’autres chevaux à une charrette n’est pas libre de ne pas marcher devant la charrette. S’il ne marche pas, la charrette le heurtera et il sera bien forcé d’avancer. Mais, malgré cette liberté limitée, il est libre de traîner la charrette ou d’en être poussé. De même l’homme.

Que cette liberté, comparée à la liberté fantastique que nous désirons, soit grande ou non, c’est elle seule qui existe réellement et c’est en elle que consiste le bonheur accessible à l’homme. Et, outre qu’elle donne le bonheur aux hommes, elle est encore l’unique moyen d’accomplir l’œuvre que l’humanité poursuit.

D’après la doctrine du Christ, l’homme qui voit le sens de la vie dans le domaine où elle n’est pas libre, dans le domaine des effets, c’est-à-dire des actes, ne vit pas véritablement. Celui-là seul vit véritablement, qui a transporté sa vie dans le domaine où elle est libre, dans le domaine des causes, c’est-à-dire la reconnaissance, la pratique de la vérité révélée.

Consacrant sa vie à des actes sensuels, l’homme accomplit des actions dépendant toujours de causes temporaires qui se trouvent en dehors de lui. Par lui-même, il ne fait rien, il lui semble seulement agir, mais en réalité tous ses actes sont accomplis sous l’influence d’une force supérieure ; il n’est pas le créateur de la vie, il en est l’esclave. En plaçant le mobile de sa vie dans la reconnaissance et la pratique de la vérité qui lui est révélée, il accomplit, en s’identifiant à la source de la vie universelle, des actes déjà non personnels qui dépendent des conditions d’espace et de temps, mais qui n’ont pas