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Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/386

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C’est pourquoi tu ne peux pas ne pas réfléchir à ta position de propriétaire, négociant, juge, empereur, président, ministre, prêtre, soldat, qui est inhérente à l’oppression, à la violence, au mensonge, au meurtre, et ne pas reconnaître son illégitimité.

Je ne dis pas que, si tu es propriétaire, tu doives abandonner immédiatement ta terre aux pauvres ; capitaliste ou industriel, ton argent aux ouvriers ; que, souverain, ministre, fonctionnaire, juge, général, tu doives renoncer immédiatement aux avantages de ta situation, et soldat (sur qui sont basées toutes les violences), refuser immédiatement d’obéir, malgré tout le danger de ton insoumission.

Si tu le fais, ce sera un acte héroïque. Mais il peut arriver, — et c’est le plus probable, — que tu n’en auras pas la force : tu as des relations, une famille, des subordonnés et des chefs, tu es sous une influence si puissante que tu ne peux t’en affranchir, mais tu peux toujours reconnaître la vérité et ne pas mentir. Tu n’affirmeras pas que tu restes propriétaire, fabricant, négociant, artiste, écrivain, parce que c’est utile aux hommes ; que tu es gouverneur, procureur, souverain, non parce que cela t’est agréable, que tu y es habitué, mais pour le bien public ; que tu continues à être soldat, non par crainte d’une punition, mais parce que tu considères l’armée comme nécessaire à la société. Tu peux toujours ne pas mentir ainsi à toi-même et aux autres, tu le dois même parce que l’unique but de ta vie doit être de t’affranchir du mensonge et de professer la vérité. Et il te suffirait de faire cela pour que ta situation change aussitôt d’elle-même.

Tu n’es libre d’accomplir qu’une seule chose : reconnaître et professer la vérité.

Et voilà que, par le seul fait que des hommes aussi