Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/41

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n’avons rien au tzar et ne voulons rien en avoir. » Voilà ce que disent ces moujiks. Ils assurent qu’il en est beaucoup comme eux en Russie. On les a menés quatre fois devant le comité des ministres, et finalement on a décidé de s’en rapporter au souverain. Il a ordonné, pour leur correction, de les envoyer en Géorgie avec ordre au général en chef de lui adresser un rapport mensuel sur les progrès de leur conversion à des idées plus saines. »

A-t-on réussi à les soumettre ? On ne le sait pas, comme on ignore le fait lui-même sur lequel a été gardé le plus profond secret.

Ainsi agissait le gouvernement il y a 75 ans ; ainsi a-t-il agi dans la plupart des cas, toujours soigneusement cachés au peuple ; ainsi agit-il encore aujourd’hui, sauf pour les Allemands ménonites qui vivent dans le gouvernement de Kherson, dont le refus de service est respecté et qu’on fait servir dans le personnel des forestiers.

Dans les cas récents de refus du service militaire, basé sur des convictions religieuses par des hommes n’appartenant pas à la secte des ménonites, les autorités procédaient ainsi.

D’abord on emploie toutes les mesures coercitives usitées aujourd’hui pour « corriger » le récalcitrant et l’amener aux saines idées, et l’on tient secrète toute l’instruction de ces sortes d’affaires. En ce qui concerne un de ces réfractaires, je sais qu’en 1884, à Moscou, deux mois après son refus, l’affaire avait déjà donné lieu à un volumineux dossier, conservé dans le plus grand secret aux archives du ministère.

On commence généralement par envoyer le récalcitrant aux prêtres qui — à leur honte — cherchent toujours à l’amener à la soumission. Mais cette exhortation