Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

la hiérarchie grecque et russe[1] ; et pour les luthériens, dans la réunion des hommes qui reconnaissent la Bible et le catéchisme de Luther.

Généralement, en parlant de l’origine du christianisme, les hommes appartenant à l’une des églises existantes emploient le mot église au singulier, comme s’il n’avait jamais existé et n’existait qu’une église. Mais c’est inexact. L’église, institution affirmant posséder la vérité indiscutable, n’est apparue qu’au moment où elle n’était plus seule, où il y en avait au moins deux.

Tant que les croyants ont été d’accord entre eux, leur société unique n’a pas eu à s’instituer en église. Ce n’est que lorsqu’ils se sont divisés en partis opposés se niant mutuellement, que chaque parti a senti la nécessité d’affirmer son orthodoxie en s’attribuant la possession exclusive de la vérité. La conception d’une église unique a été la conséquence de ce fait que chacun des deux

  1. La définition de l’église par Khomiakow, qui jouit d’un certain succès parmi les Russes, ne change rien à la chose si l’on reconnaît avec lui que l’unique et véritable église est l’église orthodoxe. Khomiakow affirme que l’église est la réunion des hommes (sans distinction de pasteurs ou d’ouailles) unis dans l’amour ; qu’aux hommes unis dans l’amour seuls est révélée la vérité (aimons-nous les uns les autres), et que cette église est celle : 1o qui reconnaît le symbole de Nicée, et 2o qui, après la séparation des églises, ne reconnaît ni le pape ni les dogmes nouveaux. Mais après cette définition il devient plus difficile encore de comprendre, comme le veut Khomiakow l’église unie par l’amour, dans l’église reconnaissant le symbole de Nicée et la vérité prêchée par Photius.
    De sorte que l’affirmation de Khomiakow que cette église unie par l’amour, sainte par conséquent, est précisément celle qui est constituée par la hiérarchie grecque, est encore plus arbitraire que l’affirmation des catholiques et des vieux orthodoxes. Si l’on admettait la conception de l’église telle qu’elle est donnée par Khomiakow, tout ce qu’on peut en dire, c’est qu’on désirerait fort en faire partie. Mais il n’existe aucun signe d’après lequel on pourrait dire que tel homme en fait ou n’en fait pas partie, car une telle conception ne peut se traduire par aucun caractère extérieur.