Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/92

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C’est là une fausseté. Le peuple a professé réellement jadis quelque chose de semblable à ce que professe aujourd’hui l’église, mais ce n’était pas du tout pour la même chose. À côté de cette idolâtrie des images, de reliques, il y eut toujours dans le peuple une intelligence profondément morale du christianisme qui n’a jamais existé dans l’église et ne se rencontre que chez ses meilleurs représentants). Mais le peuple, malgré tous les obstacles qui lui ont été opposés dans ce sens par l’état et par l’église, a déjà traversé depuis longtemps l’étape grossière de cette conception. Ce qui le montre d’ailleurs, c’est le développement spontané et général des sectes rationalistes dont fourmille aujourd’hui la Russie, et contre lesquelles luttent, avec si peu de succès les ministres de l’église. Le peuple marche en avant dans la pénétration du code moral et vivant du christianisme. Et c’est alors qu’apparaît l’église, non pas pour apporter son appui à ce mouvement, mais pour inculquer davantage au peuple un paganisme suranné aux formes pétrifiées, et le repousser de nouveau dans cette nuit d’où il cherche si péniblement à sortir. « Nous n’enseignons au peuple rien de nouveau, mais seulement ce qu’il croit et dans une forme plus parfaite, » disent les ministres de l’église. Ce procédé ressemble à celui qui consisterait à lier un poussin qui grandit et à l’enfermer dans la coquille d’où il est sorti.

La première question, le premier doute qui se présente au Russe lorsqu’il commence à réfléchir, est relatif aux images miraculeuses et surtout aux reliques : Est-il vrai qu’elles soient incorruptibles et qu’elles produisent des miracles ? Des centaines et des milliers d’hommes se posent cette question, mais ils s’arrêtent devant la solution, surtout à cause de ce fait que les archevêques, les métropolitains et tous les hommes haut placés