Page:Tolstoï - Les Rayons de l’aube.djvu/131

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dans un milieu corrompu, dans un esclavage comparable à celui de la prison, astreint en outre à cette humiliation d’obéir à des hommes pervers.

C’est la première raison. La deuxième, c’est que chaque homme, et cela n’est pas impossible, peut espérer qu’en refusant le service militaire, il ne subira aucune punition, que son refus sera la preuve suprême du mensonge des gouvernements, et qu’on ne pourra pas le punir parce qu’on ne trouvera aucun homme assez stupide pour contribuer à la punition de celui qui a refusé son concours à un crime. L’obéissance à la loi militaire ne s’explique donc que par une force hypnotique de la foule, semblable aux moutons de Panurge se jetant à l’eau pour éviter un péril incertain.

Mais, outre l’intérêt, une autre cause doit inciter tout homme non hypnotisé, et qui comprend l’importance de ses actes, à refuser le service militaire. Un homme ne peut pas vouloir que sa vie soit inutile, ne s’emploie ni au service de Dieu, ni à celui des hommes. Très souvent la vie d’un homme passe sans lui fournir l’occasion d’être utile ; or, de nos jours, l’appel au service militaire est cette occasion offerte à tous. En refusant son concours personnel à l’armée ou en refusant de payer les impôts que le gouvernement lève pour elle, il