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Page:Tolstoï - Les Rayons de l’aube.djvu/350

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pour des maîtres et leur obéir, était une condition nécessaire, naturelle de la vie, et ne l’appelaient pas esclavage. De même, parmi nous, les hommes de notre temps croient la situation des ouvriers une condition économique naturelle et inévitable et ne l’appellent pas esclavage.

Et de même qu’à la fin du XVIIIe siècle, les hommes de l’Europe ont commencé à entrevoir que la situation des paysans, soumis à la puissance absolue des maîtres, qui leur semblait une forme naturelle et inévitable de la vie économique, était mauvaise, injuste et immorale et ont demandé à ce qu’elle soit changée ; de même les hommes de notre temps commencent à comprendre que la situation des ouvriers, qui leur semblait avantageuse, tout à fait légale et normale, n’est pas telle qu’elle devrait être, et ils demandent de la changer.

La situation de l’esclavage contemporain se trouve actuellement dans la même phase, que le servage en Europe à la fin du XVIIIe siècle, et que chez nous et en Amérique dans la deuxième moitié du XIXe. L’esclavage des ouvriers, de notre temps commence à peine à être reconnu par les hommes avancés de notre société ; et la plupart sont encore tout à fait convaincus qu’il n’y a parmi nous aucun esclavage.

Ce fait que l’esclavage a été abrogé, il n’y a pas longtemps, en Russie et en Amérique, sou-