Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/119

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D’après la loi de leur nature, ils ne peuvent pas faire ce qui est pire pour eux, et ils déclarent d’autre part qu’ils ne peuvent pas ne pas faire ce qui est le mieux !

L’activité raisonnable de l’homme, depuis qu’il existe, est appliquée à la recherche de ce qui est le mieux parmi les contradictions dont est remplie la vie humaine.

Les hommes se battent pour le sol, pour les objets qui leur sont nécessaires, puis ils arrivent à tout partager et ils appellent cela propriété ; ils trouvent que, quoique difficile à introduire, cet arrangement vaut mieux, et ils maintiennent la propriété ; les hommes se battent pour les femmes, abandonnent les enfants, puis ils trouvent qu’il vaut mieux avoir chacun sa famille, et quoiqu’il soit très difficile de nourrir une famille, ils maintiennent propriété, famille et beaucoup d’autres choses.

Dès qu’ils trouvent que telle chose vaut mieux, quelque difficile qu’elle soit ils la font. Que peut donc signifier cette phrase : La doctrine de Jésus est admirable, la vie selon la doctrine de Jésus vaut mieux que celle que nous menons ; mais nous ne pouvons pas vivre mieux, parce que c’est difficile ?

Si le mot « difficile » doit être compris dans ce sens qu’il est difficile de renoncer à la satisfaction passagère de ses convoitises pour acquérir un bien plus grand, pourquoi ne disons-nous pas qu’il est difficile de labourer pour se procurer du pain, de planter un pommier pour avoir des pommes ? Chaque être, doué de la raison la plus rudimentaire, sait qu’il faut endurer des difficultés pour se procurer quelque bien supérieur à celui dont il jouissait auparavant. Et tout à coup