Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/143

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repos et à loisir, la dépense qui y sera nécessaire pour voir s’il aura de quoi l’achever (29) ? de peur qu’en ayant jeté les fondements, et ne pouvant l’achever, tous ceux qui verront ce bâtiment imparfait ne commencent à se moquer de lui (30), en disant : Cet homme avait commencé à bâtir, mais il n’a pu achever (31). Ou qui est le roi qui, se mettant en campagne, pour combattre un autre roi, ne consulte auparavant, en repos et à loisir, s’il pourra marcher avec dix mille hommes contre un ennemi qui s’avance vers lui avec vingt mille. »

N’est-ce pas insensé de travailler à ce qui ne sera jamais terminé, quoi qu’on fasse ? La mort arrivera toujours avant que l’édifice de la prospérité mondaine soit terminé. Et si tu sais d’avance que, quoi que tu fasses pour lutter avec la mort, ce n’est pas toi, mais elle qui aura le dessus, n’est-il pas indiqué de ne point lutter avec elle et de ne point mettre tout ton cœur dans ce qui périt sûrement, mais de chercher à faire la besogne qui ne peut pas être détruite par l’inévitable trépas ?

(Luc, xii, 22-27). « Puis, s’adressant à ses disciples, il leur dit : Ne vous mettez point en peine où vous trouverez de quoi manger pour conserver votre vie, ni où vous trouverez des habits pour couvrir votre corps (23). La vie est plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement. Considérez les corbeaux : ils ne sèment ni ne moissonnent ; ils n’ont ni cellier ni grenier ; cependant Dieu les nourrit. Et combien êtes-vous plus excellents qu’eux (25) ! Mais qui d’entre vous, par tous ses soins, peut ajouter à sa taille la hauteur d’une coudée (26) ? Si donc les moindres choses sont au-dessus de votre pouvoir, pourquoi vous inquiétez-vous des