Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/147

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garantis, ainsi nous nous figurons qu’à force de cruauté nous trouverons de meilleures garanties.

La sentence inévitable qui frappe les vignerons pour s’être emparés des fruits du jardin, — l’exil, est exactement la même pour les hommes qui s’imaginent que la vie personnelle — est la vraie vie. La mort les expulse de la vie, ils sont remplacés par d’autres ; conséquence de l’erreur qui leur a fait méconnaître le sens de la vie. Comme les vignerons du jardin oublient ou ne veulent pas se rappeler qu’ils ont reçu un jardin entouré d’une muraille et d’un fossé, muni d’un puits ; que quelqu’un a travaillé pour eux et compte sur eux pour travailler à leur tour ; ainsi les gens qui veulent vivre pour eux-mêmes oublient, ou ne veulent pas se rappeler tout ce qui a été fait pour eux pendant leur vie ; ils oublient qu’ils ont par conséquent l’obligation de travailler à leur tour, et que tous les biens de la vie dont ils jouissent sont des fruits qui doivent être partagés avec d’autres.

Cette nouvelle manière d’envisager la vie, cette « Μετάνοια » (repentir) est la pierre angulaire de la doctrine de Jésus, comme il le dit dans cette parabole. D’après sa doctrine, les hommes doivent comprendre et sentir qu’ils sont débiteurs insolvables de quelqu’un, comme les vignerons doivent comprendre et sentir qu’ils sont débiteurs insolvables du propriétaire ; cette dette insolvable est contractée par les générations d’hommes passés, présents et à venir, envers celui qui est le principe de tout. Ils doivent comprendre que chaque heure de leur existence n’est qu’un amortissement de la dette et que tout homme qui, par une vie égoïste, repousse cette obligation se détache du principe