Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/167

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de croire à la divinité de Jésus et de sa doctrine, quel que soit le sens qu’il lui attribue, dise qu’il veut croire et qu’il ne le peut pas ? Dieu en personne, descendu sur la terre a dit : le feu, les tourments, les ténèbres éternels vous attendent, et voici votre salut : ma doctrine qu’il faut accomplir. Il n’est pas possible qu’un pareil chrétien ne croie pas au salut qu’on lui offre, qu’il n’en profite pas et qu’il répète : « Viens au secours de mon incrédulité. » Pour qu’un homme puisse dire cela, il faut non seulement qu’il ne croie pas à sa perdition, mais il faut encore qu’il soit certain de ne pas périr.

Des enfants sont tombés d’une barque dans l’eau. Pendant un instant leurs habits et leurs faibles mouvements les maintiennent à la surface du courant et ils ne se doutent pas du danger. De la barque qui s’éloigne on leur jette une corde. On leur crie qu’ils vont périr, on les exhorte à saisir la corde (les paraboles de la femme qui a trouvé un centime, du berger qui a retrouvé une brebis, du festin, du fils prodigue, ne parlent que de cela), mais les enfants ne croient pas ; ils ne croient pas, non pas à la corde ; ils ne croient pas qu’ils vont périr.

Quelques enfants frivoles comme eux leur ont assuré qu’ils peuvent continuer à se baigner gaiement, même quand la barque se sera éloignée. Les enfants ne croient pas que bientôt leurs habits seront trempés, leurs petits bras épuisés, qu’ils s’enfonceront, suffoqueront et se noieront. C’est à cela qu’ils ne croient pas et c’est pour cela seulement qu’ils ne croient pas à la corde de salut.

Comme ces enfants tombés à l’eau ne saisissent pas la corde qu’on leur tend, persuadés qu’ils ne périront pas, ainsi les hommes qui croient à la résurrection des âmes ne pratiquent pas les commandements de Jésus--