Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/186

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trine de Jésus, il faut s’éloigner de tout le monde, n’avoir affaire à personne — devenir stylite. Il s’ensuit que, pour imiter Jésus, il faut faire tout le contraire de ce qu’il a enseigné et de ce qu’il a fait.

La doctrine de Jésus, d’après les explications de l’Église, s’offre aux gens du monde et aux moines, non comme une règle de la vie — qui la rend meilleure pour soi-même et pour les autres, mais comme une doctrine qui enseigne à quoi doivent croire les hommes du monde pour que, tout en vivant mal, ils puissent tout de même se sauver dans l’autre vie ; pour les moines, c’est la science de se rendre l’existence encore plus dure qu’elle ne l’est.

Mais Jésus n’enseigne pas cela. Jésus enseigne la vérité, et si la vérité métaphysique est la vérité, elle restera telle dans la pratique. Si la vie en Dieu est la seule vraie vie, bienheureuse en elle-même, elle l’est aussi ici-bas, malgré tous les hasards de la vie.

Si la vie ici-bas, organisée d’après la doctrine de Jésus, ne réalisait pas la vie bienheureuse, sa doctrine ne serait pas la vérité.

Jésus n’invite pas à passer du mieux au pis, — au contraire — du pis au mieux. Il a pitié des hommes qui lui paraissent comme des brebis éperdues périssant sans berger. Il leur promet un berger et un bon pâturage. Il dit que ses disciples seront persécutés pour sa doctrine et qu’ils doivent endurer et supporter les persécutions du monde avec fermeté. Mais Il ne dit pas qu’en suivant sa doctrine ils souffriront plus qu’en suivant la doctrine du monde ; au contraire, il dit que ceux qui suivront la doctrine du monde seront malheureux, et ceux qui suivront sa doctrine seront bienheureux.