Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/189

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une seule fois, il n’a souffert en pratiquant la doctrine de Jésus ; la majeure partie des malheurs de sa vie sont provenus uniquement de ce que, contrairement à son inclination, il a suivi la doctrine du monde qui l’attirait.

Dans ma vie exceptionnellement heureuse au point de vue mondain, je puis compter une telle quantité de souffrances endurées au nom de la doctrine du monde, qu’elles suffiraient à tel ou tel martyr de la doctrine de Jésus. Tous les moments les plus pénibles de ma vie, à commencer par les orgies et les duels d’étudiants, les guerres, les maladies et les conditions anormales et insupportables dans lesquelles je vis maintenant, tout cela n’est que martyre subi au nom de la doctrine du monde. Oui, je parle de ma vie exceptionnellement heureuse au point de vue du monde. Et combien de martyrs ont souffert et qui souffrent en ce moment, pour la doctrine du monde, des souffrances qu’il me serait difficile d’énumérer !

Nous ne voyons pas ce que présente de difficultés et de dangers la pratique de la doctrine du monde, uniquement parce que nous sommes persuadés que cela ne peut être autrement.

Nous nous sommes persuadés que toutes ces calamités que nous nous infligeons nous-mêmes sont les conditions inévitables de notre vie, et nous ne pouvons comprendre que Jésus enseigne précisément comment il faut faire pour nous en débarrasser et rendre notre vie heureuse.

Pour être en mesure de répondre à la question : laquelle des deux conditions est la plus heureuse ? il faut que nous puissions nous débarrasser, ne fût-ce qu’en idée, de cette fausse manière de voir, etc., jeter, sans