Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/253

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c’est pourquoi je ne puis pas ne pas croire à ces commandements.

Le bien de la vie m’avait été donné, et moi-même je le détruisais. Jésus m’a montré, dans ses commandements, les tentations qui détruisent mon bien ; c’est pourquoi je ne puis plus faire ce qui détruit mon bien. C’est en cela, en cela seul que consiste ma religion.

Jésus m’a montré que la première tentation qui détruit mon bien, c’est mon hostilité envers les hommes, ma colère contre eux. Je ne puis pas ne pas croire à cela ; c’est pourquoi je ne puis plus sciemment rester en hostilité avec les autres ; je ne puis plus, comme je le faisais auparavant, jouir de ma colère, en être fier, l’attiser, la justifier, me considérant comme un homme supérieur et intelligent, et les autres comme des gens nuls — perdus — insensés ; je ne puis plus maintenant, quand je cède à la colère, faire autrement que de me reconnaître seul coupable et de chercher à faire la paix avec ceux qui ont des griefs contre moi.

Mais ce n’est pas tout. Je vois maintenant que ma colère est un état anormal, pernicieux, morbide ; je vois aussi quelle est la tentation qui m’y plongeait. Cette tentation consistait en ce que je me séparais de mes semblables, ne reconnaissant comme mes égaux qu’un petit nombre d’entre eux et tout le reste comme des gens de rien (raca) ou comme des bêtes sans culture (insensés). Je vois maintenant que cette séparation d’avec les hommes, ce verdict de raca ou insensés lancé contre les autres, était la cause principale de mes hostilités avec les hommes. En me souvenant de ma vie antérieure, je vois que rarement je laissais grandir mon