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III

On a tort de dire que la doctrine chrétienne concerne le salut personnel seul, mais ne concerne pas les questions d’État.

Ce n’est que l’affirmation hardie d’un mensonge évident qui tombe de lui-même à la premiere réflexion sérieuse. C’est bien, me disais-je ; je ne résisterai pas au méchant, je présenterai la joue dans la vie privée, mais voici venir l’ennemi, ou bien voici une nation opprimée, je suis appelé à prendre part à la lutte contre les méchants. Je dois aller les tuer. Et il est inévitable pour moi de décider la question : Servir Dieu ou le « tohu. » Aller à la guerre ou n’y pas aller ?

Supposons que je sois paysan ; on me nomme maire de village, ou juge, ou juré, on m’oblige à prêter serment, à juger, à condamner. Que dois-je faire ? De nouveau il faut que je choisisse entre la loi divine et la loi humaine.

Supposons que je sois moine ; j’habite un couvent, des paysans voisins ont empiété sur nos pâturages, je suis délégué pour entrer en lutte avec le méchant, je dois plaider en justice contre les paysans. De nouveau je dois choisir. Pas un homme n’échappe à ce dilemme.