Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/47

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mal, — c’est de rendre le bien pour le mal, à chacun, sans acception de personnes. Vous avez fait pendant des milliers d’années l’épreuve de l’autre manière, essayez de la mienne — tout inverse.

Chose étonnante ! dans ces derniers temps, il m’est arrivé souvent de causer avec les personnes les plus différentes de ce commandement de Jésus : « Ne résistez point au méchant ». J’ai rarement rencontré des gens qui fussent de mon avis. Mais deux espèces d’hommes n’admettent jamais, même en principe, le sens direct de cette loi.

Ces hommes appartiennent à deux pôles extrêmes : les chrétiens patriotes conservateurs qui professent l’infaillibilité de leur Église et les révolutionnaires athées. Ni les uns ni les autres ne veulent renoncer au droit de résister par la violence à ce qu’ils regardent comme le « mal ». Et les plus savants, les plus intelligents d’entre eux ne veulent point voir cette vérité simple et évidente, que si on admet le droit d’un homme de résister par la violence à ce qu’il regarde comme le mal, tout autre homme aura également le droit de résister par la violence à ce que cet autre regarde comme le mal.

Il n’y a pas longtemps, j’ai eu entre les mains une correspondance édifiante à ce point de vue, entre un orthodoxe slavophile et un chrétien révolutionnaire. L’un se faisait l’avocat de la violence comme partisan de la guerre en faveur des frères slaves opprimés ; l’autre — comme partisan de la révolution, au nom de nos frères les paysans russes opprimés. Tous les deux invoquaient la violence, se basant, tous les deux, sur la doctrine de Jésus.

Tout le monde comprend la doctrine de Jésus de cent