Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/52

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en actions, actions qui devaient être le salut de l’humanité. Il a montré la manière d’appliquer sa doctrine. Il ne se contentait pas de rêver. Le crucifié qui criait de douleur et qui mourait pour sa doctrine n’était pas un rêveur ; c’était un homme d’action. Ce ne sont pas des rêveurs, tous ceux qui sont morts et qui mourront encore pour sa doctrine. Non, cette doctrine n’est pas une chimère !

Toute doctrine révélant la vérité est chimère pour les aveugles. Nous en sommes arrivés à dire comme beaucoup de gens (j’étais du nombre) que cette doctrine est une chimère, parce qu’elle est contraire à la nature humaine. C’est contre nature, dit-on, de présenter la joue après qu’on vous a souffleté, de donner ce que l’on possède, de travailler, non pas pour soi, mais pour les autres. On dit : il est naturel à l’homme de défendre sa peau, sa sécurité, celle de sa famille, de sa propriété ; autrement dit, il est dans la nature de l’homme de lutter pour son existence. Un savant qui a étudié le droit prouve scientifiquement que le devoir le plus sacré de l’homme est la défense de ses droits, c’est-à-dire la lutte.

Mais il suffit de se détacher pour un instant de cette idée que l’organisation existante établie par les hommes est la meilleure, qu’elle est sacrée, pour que l’objection affirmant que la doctrine de Jésus est contraire à la nature humaine se retourne immédiatement contre celui qui la fait. Personne ne niera que non seulement tuer ou tourmenter un homme, mais tourmenter un chien ou tuer une poule ou un veau est une souffrance que réprouve la nature humaine. (Je connais des agriculteurs qui ont cessé de manger de la viande uniquement parce qu’ils avaient été dans le cas d’abattre eux-mêmes