Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/56

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et le mal n’existera pas ? » La révélation de Dieu est-elle vraiment aussi simple ? Dieu n’a-t-il dit rien que cela ? Il nous semble que chacun de nous sait cela. C’est si simple !

Le prophète Élie, fuyant les hommes, se réfugia dans une caverne, et il lui fut révélé que Dieu lui apparaîtrait à l’entrée de la caverne. Survint un ouragan : les arbres se rompaient sous la tempête. Élie pensa que c’était Dieu et sortit ; mais Dieu n’était pas dans l’ouragan. Puis survint un orage : le tonnerre et les éclairs étaient épouvantables. Élie sortit encore pour voir si Dieu y était ; mais Dieu n’était point dans l’orage. Puis il y eut un tremblement de terre : la terre vomissait du feu, les roches se fendaient, la montagne craquait de toutes parts. Élie regarda ; mais Dieu n’était point dans le tremblement de terre. Enfin, le calme se fit et une brise légère apporta au prophète la fraîcheur des champs. Élie regarda et voici, Dieu était là. C’est un magnifique symbole de ces paroles : « Ne résistez point au méchant. »

Elles sont bien simples ces paroles ; mais elles sont pourtant l’expression de la loi divine et humaine. S’il y a dans l’histoire un mouvement progressif dans le sens de la suppression du mal, ce n’est que grâce aux hommes qui ont compris ainsi la doctrine de Jésus, — qui supportaient le mal et ne résistaient pas au méchant par la violence. La marche de l’humanité vers le bien s’opère non par les tyrans, mais par les martyrs.

Comme le feu n’éteint pas le feu, ainsi le mal ne peut éteindre le mal. Seul le bien, faisant face au mal, sans en subir la contagion, triomphe du mal. Et dans le monde intérieur de l’âme humaine, c’est une loi aussi