Page:Tolstoï - Qu’est-ce que l’art ?.djvu/213

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entre les hommes, dans cette union du public avec l’artiste, que consiste la vertu principale de l’art.

Éprouvons-nous ce sentiment en présence d’une œuvre ? C’est que l’œuvre est de l’art. Ne l’éprouvons-nous pas, ne nous sentons-nous pas unis avec l’auteur, et avec les autres hommes à qui son œuvre s’adresse ? C’est qu’il n’y a pas d’art dans cette œuvre. Et non seulement le pouvoir de contagion est le signe infaillible de l’art, mais le degré de cette contagion est l’unique mesure de l’excellence de l’art.

Plus la contagion est forte, plus l’art est véritable, en tant qu’art, indépendamment de son contenu, c’est-à-dire de la valeur des sentiments qu’il nous transmet.

Et le degré de contagion de l’art dépend de trois conditions : 1o du plus ou moins de singularité, d’originalité, de nouveauté des sentiments exprimés ; 2o du plus ou moins de clarté dans l’expression de ces sentiments ; 3o enfin de la sincérité de l’artiste, c’est-à-dire de l’intensité plus ou moins grande avec laquelle il éprouve lui-même les sentiments qu’il exprime.

Plus les sentiments sont singuliers et nouveaux, plus ils agissent sur celui à qui ils se transmettent. Celui-ci reçoit une impression d’autant plus vive