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Page:Tolstoï - Qu’est-ce que l’art ?.djvu/231

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Mais ces tableaux-là aussi sont très rares. Le souci de la technique et de la beauté obscurcit le plus souvent le sentiment chez les peintres. Le célèbre tableau de Gérôme, Pollice verso, par exemple, n’exprime pas l’horreur du sujet qu’il représente, mais plutôt le plaisir de l’artiste à peindre un beau spectacle.

Mais j’aurais plus de peine encore à désigner, dans l’art contemporain, des modèles de la seconde forme de l’art, celle qui exprime des sentiments accessibles à tous les hommes, ou même seulement à un peuple entier. Il y a bien des œuvres qui, par la nature de leurs sujets, pourraient être rangées dans cette catégorie : par exemple, Don Quichotte, les comédies de Molière, le Pickwick Club de Dickens, les récits de Gogol, de Pouchkine, quelques-uns de ceux de Maupassant, voire les romans de Dumas père ; mais toutes ces œuvres expriment des sentiments si particuliers, et font tant de place aux particularités de temps et de lieu, et surtout ont un fond si pauvre, qu’elles ne sont guère accessibles qu’aux hommes d’une époque très restreinte, et ne sauraient soutenir la comparaison avec les chefs-d’œuvre de l’art universel d’autrefois. Voyez, par exemple, l’histoire de Joseph, le