Page:Tolstoï - Qu’est-ce que l’art ?.djvu/50

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beau, qui sont les objets de l’art, trouvent leur origine dans notre instinct de conservation et dans notre instinct de sociabilité. La défense de l’individu, et la guerre, qui en est la conséquence, sont les sources du sublime ; la sociabilité, et l’instinct sexuel, qui en est la conséquence, sont la source du beau.

Pendant que les penseurs anglais se contredisaient ainsi l’un l’autre dans leurs définitions de la beauté et de l’art, les esthéticiens français n’arrivaient pas davantage à se mettre d’accord. Suivant le père André (Essai sur le Beau, 1741), il y a trois sortes de beauté : la beauté divine, la beauté naturelle, et la beauté artificielle. Suivant Batteux (1713-1780), l’art consiste à imiter la beauté de la nature et son but doit être de plaire. Telle est aussi, ou à peu près, la définition de Diderot. Voltaire et d’Alembert estiment que les lois du goût décident seules de la beauté, mais que ces lois, d’ailleurs, échappent à toute définition.

Suivant un auteur italien de la même période, Pagano, l’art consiste à unir les beautés éparses dans la nature. La beauté, pour lui, se confond avec la bonté : la beauté est la bonté rendue visible ; et la bonté est la beauté rendue intérieure.