Page:Tolstoï - Qu’est-ce que l’art ?.djvu/64

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aussi inexacte, car, à son tour, elle s’étend trop loin dans le sens opposé, en impliquant la beauté des plaisirs tirés de la nourriture, de la boisson, de l’habillement, etc.

Il est vrai que, si nous suivons les phases successives du développement de l’esthétique, nous constatons que les doctrines métaphysiques et idéalistes perdent de plus en plus de terrain au profit des doctrines expérimentales et positives, si bien que nous voyons même des esthéticiens, comme Véron et Sully, s’efforcer d’éliminer tout à fait la notion de la beauté. Mais les esthéticiens de cette école n’ont encore que fort peu de succès ; et la grande majorité du public, ainsi que des artistes et des savants, s’en tient à l’une des deux définitions classiques de l’art, qui toutes deux fondent l’art sur la beauté, voyant dans celle-ci ou bien une entité mystique et métaphysique, ou bien une forme spéciale du plaisir.

Essayons donc d’examiner à notre tour cette fameuse conception de la beauté artistique.

Au point de vue subjectif, ce que nous appelons beauté, c’est incontestablement tout ce qui nous fournit un plaisir d’une espèce particulière. Au