Page:Tolstoï - Quelle est ma vie ?.djvu/16

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quer des individus dont le nombre grandissait à chaque instant et qui avaient une tournure particulière. Ils étaient vêtus et chaussés d’une façon étrange ; ils avaient tous le même teint maladif ; mais ce qui me frappait le plus chez eux, c’est le mépris singulier qu’ils montraient tous pour ce qui les entourait. Affublé d’un costume tout à fait étrange et qui n’avait pas son pareil, chacun d’eux marchait d’un air tout à fait dégagé, sans se préoccuper le moins du monde du spectacle qu’il offrait aux passants. Ils se dirigeaient tous du même côté. Sans m’informer du chemin que je ne connaissais pas, je les suivis et j’arrivai sur le marché de Khitrof. Là, des femmes ayant le même aspect, le même accoutrement composé de divers haillons, et chaussées de bottes ou de galoches, avaient malgré l’étrangeté de leur costume la même allure libre ; vieilles et jeunes, les unes étaient assises et vendaient certains objets, les autres marchaient, discutaient, proféraient des injures. Il y avait peu de monde sur la place. La vente était évidemment terminée, et la plupart des gens arrivaient au marché, le traversaient, et se dirigeaient plus haut, toujours dans la même direction. Je les suivis. À mesure que j’avançais,