Page:Tolstoï - Quelle est ma vie ?.djvu/37

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confusion. Quand j’eus terminé ma lecture et que je proposai aux directeurs du recensement, si ma proposition était acceptée, de conserver leurs fonctions pour être les intermédiaires entre la société et les nécessiteux, il se fit d’abord dans la salle un silence embarrassant. Puis deux orateurs prirent la parole. Leurs discours firent cesser la gêne causée par ma proposition. On me témoigna de la sympathie, tout en déclarant mon idée impraticable, et, cependant, tous l’avaient approuvée. Chacun se sentit soulagé d’un grand poids. Mais, désirant éclaircir la question, je demandai aux directeurs s’ils consentaient à examiner, pendant le recensement, les besoins des malheureux et à rester en fonctions pour servir d’intermédiaires entre les pauvres et les riches ; ils se sentirent mal à l’aise de nouveau. Leurs regards semblaient me dire : « Par affection pour toi, nous venons de réparer la sottise que tu as commise et tu continues à nous en ennuyer ? » Telle était l’expression de leur visage ; cependant ils me dirent qu’ils acceptaient ma proposition, et deux d’entre eux, chacun de leur côté, me tinrent le même langage, comme s’ils s’étaient entendus ensemble. Ils me dirent : « Nous nous croyons moralement obligés de faire cela. »