Page:Tolstoï - Quelle est ma vie ?.djvu/41

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trant les gamins qui glissaient, ils ne font que folâtrer ! Ils deviendront Rjanovtsi, comme leurs pères. » L’un des garçons en paletot et en casquette sans visière, entendit ces paroles et s’arrêta. « Qu’as-tu à insulter les gens ? » — cria-t-il à la vieille. — « Tu es, toi, le serpent de Rjanof ! » Je demandai au garçon : « Vous demeurez ici ? » — « Oui, et elle aussi. Elle a volé une tige de botte ! » — s’écria le garçon, et, lançant le pied en avant, il alla plus loin. La vieille éclata en injures qu’entrecoupait la toux. Sur ces entrefaites, un vieillard, blanc comme un cygne, vêtu de haillons, descendait au milieu de la rue en balançant ses bras ; il tenait d’une main un paquet (kalatch) et des baranki. Ce vieillard avait l’air d’un homme qui vient de se donner du cœur avec un verre. Ayant entendu probablement les injures de la vieille, il prit son parti. « Attendez, petits diables, gare à vous ! » cria-t-il aux enfants, et faisant semblant de se diriger vers eux, il passa devant moi et monta sur le trottoir. Dans une autre rue, comme, par exemple, à l’Arbate, ce vieillard m’aurait frappé par sa vieillesse, sa débilité et sa misère. Ici c’était un ouvrier gai, qui, sa journée finie, revenait chez lui. Je le suivis. Il tourna à gauche de