Page:Tolstoï - Quelle est ma vie ?.djvu/51

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le même air d’aisance. Il possédait une montre et sa chaîne. Les locataires étaient plus pauvres ; mais il n’y en avait pas un seul qui eût besoin d’une assistance immédiate : la femme qui lavait son linge dans une auge, avec ses enfants, avait été abandonnée par son mari ; une vieille veuve se disant sans moyens d’existence, et enfin le moujik chaussé de laptis et qui me dit n’avoir pas mangé de tout le jour. L’enquête révéla que tous ces gens n’avaient pas grand besoin et que, pour les aider, il fallait bien les connaître.

Quand j’offris à la femme abandonnée de placer ses enfants dans un asile, elle se désola, devint pensive, me remercia beaucoup, mais, évidemment, elle n’en voulait pas ; elle aurait préféré qu’on lui donnât de l’argent. Sa fille aînée l’aidait à blanchir ; la cadette prenait soin du garçon. La vieille désirait entrer dans un hospice, mais, après avoir examiné son logement, je vis qu’elle n’était pas dans la détresse. Elle possédait un coffre contenant ce qui lui appartenait, une théière et une boîte de bonbons Montpensier renfermant du thé et du sucre. Elle tricotait des bas et des gants et recevait un secours mensuel d’une bienfaitrice.

Quant au moujik, il avait plus besoin d’eau-