Page:Tolstoï - Quelle est ma vie ?.djvu/7

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Je connais un mendiant de ce genre, d’origine noble. Le vieillard marche lentement, boitant de chaque pied. Quand il vous rencontre, il s’incline sur un pied, de telle manière qu’il semble vous saluer. Si vous vous arrêtez, il porte la main à sa casquette à cocarde, s’incline et demande ; si vous ne vous arrêtez pas, il tâche de vous faire croire que c’est sa façon de marcher et il passe plus loin, en s’inclinant sur l’autre pied. C’est un véritable mendiant de Moscou : il connaît son affaire. Je ne comprenais pas d’abord pourquoi les mendiants de Moscou ne demandent pas directement ; j’ai compris ensuite pourquoi ils ne demandent pas, et pourtant je n’ai pas compris leur position.

Un jour, passant dans la ruelle Afanassiefskï, je remarquai un agent de police qui poussait dans un fiacre un moujik hydropique et couvert de haillons. Je demandai : « Pourquoi ? » L’agent me répondit : « Pour mendicité. » — « Est-ce défendu ? » — « Il faut croire que c’est défendu », me répondit l’agent.

Le fiacre emmena l’hydropique. Je pris un autre fiacre et les suivis. Je voulais savoir s’il était vrai que la mendicité était interdite et quels étaient les termes de l’interdiction. Je ne