entortiller ! — déclara le brave marchand. Il faut avoir pitié d’elle !
— C’est ce que nous allons examiner ! — répondit le président. — Prenons bien garde de ne pas céder à nos impressions personnelles !
— Le président des assises a fait un bien beau résumé ! — observa le colonel.
— Très beau, en effet. Mais croiriez-vous que j’ai failli m’endormir ?
— Le point principal, c’est que les deux domestiques n’auraient pu rien savoir de l’argent du marchand si la Maslova n’avait pas été d’accord avec eux ! — dit le commis au type juif.
— Alors, d’après vous, elle aurait volé ? — demanda un des jurés.
— Jamais on ne me fera croire cela ! — s’écria le gros marchand. C’est cette canaille de servante aux yeux sans sourcils qui a fait tout le mal !
— Fort bien, — interrompit le colonel, — mais cette femme affirme qu’elle n’est pas entrée dans la chambre.
— Et c’est elle que vous préférez croire ? Moi, de ma vie, je ne voudrais me fier à une telle charogne !
— Eh bien ! et après ? — fit ironiquement le commis. — Il n’en est pas moins vrai que c’est la Maslova qui avait la clé !
— Qu’est-ce que cela prouve ? — cria le marchand.
— Et la bague ?
— Mais elle nous a expliqué toute l’affaire ! Le Sibérien avait la tête chaude, et puis il avait bu : il l’a battue. Et ensuite, eh bien ! il en a eu pitié. « Tiens, voilà pour toi, et ne pleure plus ! » On nous a bien dit quel homme c’était : 12 archines, 12 verschoks de taille, et le poids en proportion !
— La question n’est pas là, — fit observer Pierre Gérassimovitch. — La question est de savoir si c’est elle qui a prémédité et accompli toute l’affaire, ou si ce sont les deux domestiques.
— Mais les deux domestiques ne peuvent pas avoir agi sans elle ! — répéta le juif. C’était elle qui avait la clé !