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RÉSURRECTION

la façon dont il l’aborderait, dont il lui dirait tout, dont il étalerait devant elle l’aveu de sa faute, dont il lui déclarerait que c’était lui seul qui avait tout fait, — toutes les fois il s’attendrissait sur son héroïque bonté, et des larmes lui montaient aux yeux.


II


Dans le corridor du Palais de Justice, Nekhludov rencontra l’huissier de la cour d’assises. Il lui demanda où l’on mettait les condamnés, après le jugement, et puis aussi à qui on devait s’adresser pour obtenir l’autorisation de les voir. L’huissier répondit que les condamnés étaient répartis en divers endroits, et que c’était le procureur qui, seul, pouvait donner l’autorisation de les voir.

— D’ailleurs, — ajouta-t-il, — je viendrai vous prendre, après la séance, et je vous conduirai moi-même chez le procureur. Mais, maintenant, je vous prie d’aller au plus vite dans la salle du jury. L’audience va commencer.

Nekhludov remercia l’huissier, et courut vers la salle du jury.

Au moment où il y entrait, les jurés s’apprêtaient déjà à passer dans la salle d’audience. Le marchand était d’humeur joviale, comme la veille, et l’on voyait que, de nouveau, il avait mangé et bu solidement avant de venir. Il accueillit Nekhludov comme un vieil ami. Et Pierre Gérassimovitch lui-même, malgré sa familiarité, ne fit plus du tout au jeune homme l’impression désagréable qu’il lui avait faite jusque-là.

Nekhludov se demanda s’il devait révéler aux jurés les relations qu’il avait eues avec la femme qu’ils avaient condamnée le jour précédent. « Dès hier, — songeait-il, — j’aurais dû me lever, au moment du verdict, et faire publiquement l’aveu de ma faute ! » Mais, lorsqu’il entra dans la salle d’audience, et qu’il vit se renouveler la procédure de la veille, — l’arrivée sur l’estrade des juges