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Page:Tolstoï - Résurrection, trad. Wyzewa, 1900.djvu/212

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RÉSURRECTION

pareil : je doute que vous obteniez quelque chose de lui !

— Maslinnikov, n’est-ce pas ? je le connais beaucoup, — dit Nekhludov.

Et il se leva pour prendre congé.

Pendant l’entretien de Nekhludov avec l’avocat, dans le salon d’attente était entrée, d’un pas rapide, une petite femme affreusement laide, toute jaune, tout osseuse, avec un nez camard. C’était la femme de Faïnitzin. Sans se laisser décourager par sa laideur, elle était mise avec un luxe extraordinaire. Elle avait sur elle et de la soie, et du velours, et des dentelles ; et ses cheveux clairsemés étaient entortillés de la façon la plus prétentieuse. Elle s’était élancée dans le salon, où s’était aussitôt précipité vers elle un homme grand et maigre, de teint terreux, vêtu d’une redingote à revers de soie. C’était un écrivain : Nekhludov le connaissait de vue.

— Anatole ! — dit la dame à son mari en entr’ouvrant la porte de son cabinet, — voici Sémen Ivanovitch ! Nous allons t’attendre dans le petit salon. Il apporte son poème, et toi, tu vas venir nous lire ton essai sur Garchine !

Nekhludov voulut prendre congé ; mais la dame, se tournant vers lui :

— Le prince Nekhludov, n’est-ce pas ? Je vous connais depuis longtemps de réputation. Faites-nous le plaisir d’assister à notre matinée littéraire ! Ce sera très intéressant ! Anatole lit dans la perfection.

— Vous voyez combien mes occupations sont diverses ! — dit Anatole en souriant et en désignant sa femme d’un geste qui signifiait qu’on ne pouvait rien refuser à une personne aussi séduisante.

Mais Nekhludov, très poliment, bien que d’un visage un peu froid, remercia Mme Faïnitzin de l’honneur qu’elle lui faisait, et dit qu’à son grand regret il ne pouvait accepter.

— Quel grimacier ! — dit de lui la dame dès qu’il fut sorti.

Dans le salon, le secrétaire remit à Nekhludov une copie du pourvoi en cassation ; et à sa demande touchant les honoraires il répondit qu’Anatole Petrovitch les avait