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CHAPITRE XVI


I


Au sortir de chez Maslinnikov, Nekhludov se fit conduire tout droit à la prison. Il dit aux gardiens qu’il voulait parler au directeur ; et en effet, aussitôt entré, il se dirigea vers l’appartement de ce fonctionnaire.

De nouveau, comme la première fois qu’il était venu dans la prison, il entendit, en s’approchant, les sons d’un mauvais piano. Au lieu de la Rapsodie de Liszt, on jouait à présent une Étude de Clementi ; mais c’était toujours le même excès de vigueur, la même précision mécanique, la même rapidité.

La servante qui vint ouvrir à Nekhludov dit que « le capitaine » était chez lui, et l’introduisit dans un petit salon meublé d’un divan, d’une table, de trois chaises, et d’une énorme lampe avec un abat-jour de carton rose. Un instant après, le directeur lui-même entra, avec son visage fatigué et chagrin.

— Tous mes respects, prince. En quoi puis-je vous servir ? — demanda-t-il en achevant de boutonner son uniforme.

— Je suis allé chez le vice-gouverneur, et voici l’autorisation qu’il m’a donnée ! — répondit Nekhludov. — Je voudrais voir la Maslova.

— La Markova ? — demanda le directeur, que la musique avait empêché de bien entendre le nom.

— La Maslova.

— Ah ! oui, je sais !

Le directeur se leva et s’avança vers la porte, d’où venaient les roulades de Clementi.

— Par pitié, Maroussia, arrête-toi au moins une mi-