CHAPITRE IV
I
Quand Nekhludov entra au Palais de Justice, les corridors étaient déjà fort animés. Des gardiens couraient, portant des papiers ; d’autres marchaient d’un pas grave et lent, les mains derrière le dos. Les huissiers, les avocats, les avoués se promenaient de long en large ; les demandeurs et les prévenus libres s’effaçaient humblement contre les murs, ou restaient assis sur les bancs, attendant.
— Le tribunal du district ? — demanda Nekhludov à l’un des gardiens.
— Quel tribunal ? Criminel, ou civil ?
— Je suis juré.
— Alors c’est la cour d’assises ! Il fallait le dire tout de suite ! Vous prendrez à droite, puis à gauche, la deuxième porte !
Nekhludov s’avança dans les corridors.
Devant la porte que le gardien lui avait désignée, deux hommes se tenaient debout, en conversation. L’un était un gros marchand qui, pour se préparer à remplir sa tâche, avait sans doute bu et mangé copieusement, car il paraissait être dans une disposition d’esprit des plus gaies ; l’autre était un commis, d’origine juive. Les deux hommes s’entretenaient du cours des laines, lorsque Nekhludov, s’approchant d’eux, leur demanda si c’était bien là que se réunissaient les jurés.
— C’est ici, Monsieur, c’est parfaitement ici. Un juré aussi, sans doute, un de nos confrères ? — ajouta le brave marchand en souriant et en clignant de l’œil.