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Page:Tolstoï - Résurrection, trad. Wyzewa, 1900.djvu/312

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RÉSURRECTION

Le dernier jour de son séjour, il monta dans les appartements de ses tantes défuntes, pour passer en revue les objets qui y restaient. Dans le tiroir inférieur d’un chiffonnier en bois de rose, orné d’appliques et d’entrées de serrures en bronze ciselé, il découvrit un paquet de vieilles lettres, et, mêlée à elles, une photographie, ou était représenté un groupe debout devant la maison : il y avait là Sophie Ivanovna, Marie Ivanovna, Nekhludov en tenue d’étudiant, et Katucha.

De tous les objets que contenait la maison, Nekhludov ne prit que les lettres et cette photographie. Le reste, meubles, tableaux, tentures et tapis, il le céda au meunier, qui avait des goûts de luxe, et qui avait promis à l’économe une forte commission s’il parvenait à lui faire avoir tout cela à très bon marché. Il l’eut à meilleur marché encore qu’il ne l’avait espéré.

Et Nekhludov, se rappelant de nouveau le sentiment de regret qu’il avait éprouvé, à Kouzminskoïe, devant la pensée de devoir renoncer à ses propriétés, de nouveau se demanda avec stupeur comment il avait pu éprouver un pareil sentiment. Il n’éprouvait plus maintenant qu’une délicieuse impression de délivrance, où se joignait pour lui le charme de la nouveauté ; une impression semblable à celle que doit éprouver l’explorateur lorsque, au sortir de cruelles épreuves, il entrevoit enfin une terre nouvelle !