— Qu’il le soit, qu’il ne le soit pas, à présent : tout m’est égal !
— Pourquoi dites-vous « à présent » ?
— Pour rien ! — répondit-elle.
Et il crut lire dans ses yeux une interrogation.
Nekhludov s’imagina qu’elle voulait savoir s’il persistait dans ses résolutions, ou s’il avait admis le refus qu’elle lui avait signifié.
— Pourquoi cela vous est égal, — dit-il, — je ne le sais pas : mais pour moi, effectivement, cela ne changera rien à ce que je compte faire. Quoi qu’il vous arrive, je serai toujours prêt à tenir ce que je vous ai promis !
Elle leva de nouveau sur lui ses yeux noirs qui louchaient : et, malgré elle, une joie profonde s’y lisait clairement. Mais seuls ses yeux exprimaient cette joie.
— Vous perdez votre temps à me parler ainsi ! — dit-elle.
— Je vous parle ainsi pour que vous sachiez ce qui est.
— Ce qui a été dit a été dit, je n’ajouterai rien de plus ! — déclara-t-elle avec des traces d’un effort dans sa voix.
À ce moment, un bruit se fit entendre dans la pièce voisine, suivi d’un cri d’enfant.
— On m’appelle ! — dit la Maslova en jetant autour d’elle un regard inquiet.
— Eh bien, adieu !
Elle feignit de ne pas voir la main qu’il lui tendait et, sans se retourner, elle s’enfuit en essayant de contenir la joie profonde qui débordait de son cœur.
« Que se passe-t-il en elle ? Que pense-t-elle ? Que sent-elle ? Veut-elle seulement m’éprouver ? Ou bien ne peut-elle pas, en effet, parvenir à me pardonner ? Ne peut-elle pas me dire ce qu’elle pense et sent, ou bien ne le veut-elle pas ? Est-elle mieux disposée pour moi, ou plus mal, que la dernière fois ? » — se demandait Nekhludov ; et en vain il s’efforçait de répondre à ces questions. Une seule chose lui apparaissait clairement : c’est qu’un grand changement s’opérait en elle, et que, par ce changement, lui-même se trouvait rapproché et d’elle et de Celui au nom de qui il avait agi. Et la pensée de ce rapprochement le remplissait d’un tendre plaisir.