CHAPITRE IX
I
Le convoi des déportés devait partir de la gare le lendemain à trois heures. Nekhludov se promit de se trouver devant la porte de la prison dès midi, pour le voir sortir, et pour l’accompagner jusqu’au chemin de fer.
En rangeant ses papiers, avant de se coucher, il mit la main sur son journal, et ne put s’empêcher d’en relire les dernières phrases. Au moment de son départ pour Pétersbourg, il avait écrit : « Katucha ne veut pas de mon sacrifice, mais s’obstine dans le sien. Elle m’enchante par ce changement intérieur qui me paraît — j’ai peur de trop le croire — s’accomplir en elle. J’ai peur de le croire, mais j’ai l’impression qu’elle ressuscite. » Au-dessous, la fois suivante, Nekhludov avait écrit : « J’ai eu aujourd’hui à supporter un grand coup ; j’ai appris que Katucha s’était mal conduite à l’infirmerie. Et sur-le-champ j’ai ressenti une souffrance terrible ; jamais je n’aurais pensé que la chose dût me faire tant souffrir. J’ai traité la malheureuse avec haine et dégoût, et puis je me suis rappelé combien de fois moi-même avais commis, fût-ce en pensée, le péché pour lequel je la haïssais ; et dès cet instant je me suis haï moi-même, et je l’ai plainte, et j’ai éprouvé une impression de bien-être. » Nekhludov prit sa plume et ajouta, à la date du jour : « J’ai vu Katucha ce matin, et de nouveau, par égoïsme, j’ai été dur et méchant pour elle. Pour Natacha aussi j’ai été méchant et j’ai parlé à son mari comme en aucun cas je n’aurais dû lui parler. De tout cela me reste un grand poids sur le cœur. Mais que