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CHAPITRE XII


Un des deux condamnés qui venaient d’entrer était un homme encore jeune, petit et sec, avec une pelisse courte et de hautes bottes. Il marchait d’un pas léger et rapide, portant à chaque main une grande théière pleine d’eau bouillante, et tenant sous chaque bras un pain enroulé dans une serviette.

— Ah ! et voici que notre prince lui-même a reparu ! — dit-il en posant les théières près des tasses soigneusement préparées par la Rantzeva. — Nous avons acheté des choses extraordinaires ! — poursuivit-il, après avoir ôté sa pelisse et l’avoir lancée, par-dessus les têtes, dans le coin de la pièce où était son lit. — Markel vous rapporte du lait et des œufs. Un vrai régal, quoi ! Et Émilie va nous servir tout cela, en l’embellissant encore de son esthétique propreté ! — ajouta-t-il avec un sourire à l’adresse de la Rantzeva.

Toute l’apparence extérieure de cet homme, ses mouvements, le son de sa voix, ses regards, tout chez lui exprimait un mélange de courage et de gaîté. Et, au contraire, son compagnon avait un aspect sombre et triste. C’était, lui aussi, un homme de petite taille, mais osseux, avec un visage gris aux mâchoires saillantes. Il était vêtu d’un vieux manteau ouaté et portait des galoches par-dessus ses bottes. Quand il se fut débarrassé du panier et du pot qu’il tenait en main, il salua froidement Nekhludov d’un signe de tête, en fixant sur lui ses larges yeux verts.