Page:Tolstoï - Résurrection, trad. Wyzewa, 1900.djvu/567

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que Nekhludov pouvait souhaiter pour Katucha, et pour lui-même aussi. Mais il songea ensuite que ce changement dans la situation de Katucha allait modifier les conditions de ses rapports avec elle. Aussi longtemps qu’elle restait condamnée aux travaux forcés, le mariage qu’il se proposait de contracter avec elle était une union toute fictive et n’avait de sens qu’en ce qu’il allégerait le sort de la condamnée. Mais, à présent, le mariage devenait une chose plus sérieuse, à présent rien n’empêchait plus Nekhludov et Katucha de mener la vie commune, ainsi que doivent le faire un mari et une femme. Et Nekhludov, à cette pensée, se sentait ressaisi de son ancienne frayeur. Il se demandait avec angoisse s’il était prêt pour cette vie commune ; et force lui était de se répondre qu’il n’y était point prêt.

Et puis le souvenir lui revint des relations de Katucha avec Simonson. Les paroles qu’elle lui avait dites la veille, que signifiaient-elles ? Et si vraiment elle consentait à se marier avec Simonson, ce mariage serait-il un bien pour elle ? Serait-il un bien pour lui, Nekhludov ?

Toutes ces questions se pressaient en lui, et il ne savait qu’y répondre : de sorte qu’il eut recours, une fois de plus, à son procédé ordinaire. « Je déciderai tout cela plus tard, tout à l’heure ! — se dit-il ; — à présent je dois avant tout chercher à revoir Katucha, à lui communiquer l’heureuse nouvelle, et à hâter les formalités de sa libération. » La copie que venait de lui envoyer Sélénine y suffirait, sans doute, en attendant la notification officielle du décret.

Et Nekhludov, sortant du bureau de poste, se fit conduire à la prison où devaient être internés les prisonniers du convoi.