Page:Tolstoï - Religion et morale.djvu/16

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ture. On peut en donner pour preuve ces centaines de gens, par leur culture d’entre les plus éminents et les plus avancés, hommes d’aujourd’hui ou hommes d’autrefois, les Socrate, les Descartes, les Newton, par exemple, dont la croyance à l’existence d’un ou de plusieurs êtres supérieurs et surnaturels n’a jamais eu pour cause la frayeur superstitieuse inspirée par les forces inconnues de la nature. Et, en fait, l’assertion : la religion a pour origine la frayeur superstitieuse ressentie par les hommes en face des forces inconnues de la nature, ne répond en rien à la question principale : d’où est venue aux hommes la notion d’êtres invisibles, d’êtres surnaturels ?

Si c’était seulement que les hommes ont eu peur du tonnerre et des éclairs, eh bien ! ils en auraient eu peur et voilà tout ; mais pourquoi donc ont-ils inventé un être invisible et surnaturel, ce Jupiter qui se trouve quelque part et qui lance parfois ses flèches sur les hommes ?

Si les hommes avaient simplement été frappés par la vue de la mort, ils auraient craint la mort sans plus. Mais pourquoi donc ont-ils inventé les âmes des morts et se sont-ils mis à entretenir avec elles un commerce imaginaire ?

Que les hommes se cachent pour échapper au tonnerre, qu’ils fuient la mort par horreur d’elle, cela se peut faire ; mais ils ont inventé un être éternel et