Page:Tolstoï - Religion et morale.djvu/26

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religion sociale-familiale-étatiste ou à la religion païenne primitive.

L’homme sans religion, c’est-à-dire sans aucun rapport, de quelque espèce qu’il soit, avec l’univers, est quelque chose d’aussi impossible à concevoir qu’un homme sans un cœur. Il peut ignorer qu’il a une religion comme un homme peut ignorer qu’il a un cœur, mais, sans religion comme sans cœur, l’homme ne peut exister.

La religion, c’est ce rapport dans lequel l’homme se reconnaît être à l’égard de l’univers infini qui l’entoure (ou à l’égard de son principe et de sa cause première), et un homme doué de raison ne peut pas ne pas être avec cet univers en un rapport quelconque.

Vous direz, peut-être, que la tache de fixer les rapports de l’homme et de l’univers relève non de la religion mais bien de la philosophie ou, — si l’on considère la philosophie comme une branche de la science, — de la science en général. Je ne suis pas de cet avis. Pour moi, au contraire, l’idée reçue que la science en général (en comprenant sous le terme science la philosophie) peut fixer ces rapports est complètement erronée. C’est là la cause principale, dans les couches cultivées de notre société, de la confusion des notions de religion, de science et de morale.