Page:Tolstoï - Scenes de la vie russe.djvu/192

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seul a fait tout le mal ? Si le mal ne venait que de lui, il ne serait pas si grand. Le mal, chez les hommes, n’est-il pas des deux côtés ? Il n’aurait pas de prise, s’il n’était que d’un seul. Qui lui a arraché la barbe ? Qui a renversé sa meule de foin ? Qui l’a traîné devant les juges ? Tu parles de ses fautes, mais n’as-tu pas tout fait de ton côté pour envenimer les choses ? Pourtant, ce n’est pas là l’exemple que je vous ai donné. Le père de Gravila et moi, nous avions d’autres rapports. Nous vivions comme de bons voisins. Quand sa provision de farine était épuisée, une petite femme venait avec un gentil sourire : « Oncle Frola, nous n’avons plus de farine. — Eh bien ! tu sais où est le cellier, tendre jeunesse, va donc prendre ce qu’il te faut. » Si je voyais qu’il manquait d’un garçon pour ses chevaux : « Va, Iwanka, » te disais-je de moi-même, avant même qu’il m’ait rien demandé. Et, de mon côté, s’il me fallait quelque chose, je ne me gênais pas non plus : « Oncle Gordei, j’ai besoin de ceci, j’ai besoin de cela. — À ton service, prends, oncle Frola. » Ainsi en usions-nous ensemble tant que durait l’année. Et nous