Page:Tolstoï - Scenes de la vie russe.djvu/205

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voix désespérée en levant les bras au ciel et en se laissant retomber violemment sur le sol. J’aurais dû retirer la botte de paille et l’étouffer sous mes pieds.

Il voulait crier, mais sa voix, étranglée dans sa gorge, ne pouvait pas sortir ; son cœur se glaçait dans sa poitrine ; il voulait se précipiter vers le feu, mais ses jambes refusaient d’aller, comme si elles eussent été de plomb. Il fit quelques pas et de nouveau la respiration lui manqua ; il s’arrêta, faisant des efforts pour ravoir son souffle ; quand il arriva enfin au lieu du sinistre, le hangar flambait de toutes parts et tout un angle de sa maison était attaqué ; les flammes sortaient par les fenêtres et empêchaient l’accès dans la cour ; tout le village s’était rassemblé, mais le mal était sans remède. Les voisins sauvaient en hâte ce qu’ils avaient de plus précieux, et sortaient le bétail des étables. Après la maison d’Ivan vint la ferme de Gravila ; puis, un coup de vent chassant les flammes de l’autre côté de la rue, le feu prit aux habitations voisines, si bien que tout le village finit par être la proie des flammes.