Page:Tolstoï - Scenes de la vie russe.djvu/248

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mettait pas le péché d’acheter ou de vendre le pain. On n’avait jamais vu d’or, et chacun avait autant de pain qu’il en voulait.

— Où était ton champ, petit père, et où poussait de pareil blé ?

— Mon champ, empereur, c’était la terre que Dieu nous a donnée à tous pour la cultiver. Alors, la terre n’appartenait à personne, elle était à tous ; chacun labourait ce qu’il lui fallait pour vivre, et mon champ, c’était le sol que je labourais. Personne ne disait « le tien, le mien, ma propriété, celle du voisin. » Nous récoltions le fruit de notre travail et nous nous en contentions.

L’empereur ajouta :

— Apprends-moi encore, vieillard, pourquoi le blé est si petit aujourd’hui et pourquoi il était si beau autrefois. Dis-moi encore pourquoi ton petit-fils marche avec deux béquilles, ton fils avec une seule, et pourquoi tu es encore vert et vigoureux malgré ton grand âge. Tu devrais être le plus cassé des trois, et tu es le plus alerte. Tes yeux sont clairs, tu as tes dents, et ta voix vibre comme celle des jeunes